Nous venons d’un endroit appelé Bow, au nord de Leer. [Les attaquants] sont venus à six reprises. En juillet, ma maison a été incendiée. Ils sont arrivés du nord et de Leer. Nous nous sommes enfuis lorsqu’ils ont commencé à tirer au hasard sur les gens. Quand nous sommes revenus, notre maison avait été détruite. J’ai vu beaucoup de cadavres. Même dans les cachettes. Nous découvrions parfois que des gens étaient morts quand nous en sortions. Ils ont fait de mauvaises choses aux filles et aux femmes quand ils sont venus à Bow. Quand ils vous capturent, ils font de vous une femme, par la force. Ils sont parfois plusieurs. Et si vous leur dites de mauvaises choses, ils vous abattent.

Nous sommes allés à Gador, puis à Tuoch Riak. Lorsqu’ils ont attaqué Tuoch Riak, nous avons décidé de venir à Nyal. On n’entend pas de coup de feu ici, alors c’est déjà mieux, même si les gens insultent les PDIP [personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays]. Ils nous accusent de laisser notre comté tomber entre les mains du gouvernement et des Dinka. Ça me blesse, mais, vous savez, si vous êtes une PDIP ou un réfugié, c’est comme ça : les gens pensent que c’est votre faute. Je songe à quitter cet endroit, à poursuivre mes études ailleurs au Soudan du Sud et à revenir quand la situation se sera calmée.

Si nous continuons de nous battre et de nous venger, nous finirons par disparaître. Il n’y aura plus de Nuer. Ce n’est donc pas une bonne idée de se venger. Mais si la paix s’installe, les camps vont finir par s’estomper et personne ne saura qui était avec qui. La justice vient après la paix. Nous voulons la paix, puis la justice. Parce que la paix durera plus longtemps si la justice est rétablie. Si les gens qui ont fait de mauvaises choses sont amenés devant les tribunaux, les autres auront peur et ne causeront plus ce genre de problèmes à l’avenir.