Avant la guerre, j’étais en huitième année à l’école. J’ai 17 ans. Il y avait une école à Leer, une bonne école. Les affrontements ont commencé ici en [janvier] 2014. Des gens du Darfour et les Dinka sont venus. Toutes les maisons ont été incendiées. Ils ont tué des gens sous mes yeux. Ils mettaient parfois le feu aux buissons secs dans lesquels nous nous cachions. Certaines personnes ont été brûlées vives. D’autres ont couru pour se sauver. Les plus malchanceux ont reçu une balle. En mai [2014], des gens sont retournés à Leer. Mais Leer n’était plus ce qu’elle était : il n’y avait plus d’écoles, il n’y avait plus rien dans les marchés et l’hôpital n’était plus le même.
J’ai quitté Leer en novembre 2014 pour venir ici. Ici, je n’étudie pas. Il n’y a pas d’enseignant pour les classes plus avancées. Je vais donc à la piste d’atterrissage dans l’espoir de partir. J’ai déjà essayé à quatre reprises. Je n’ai pas pu monter à bord aujourd’hui parce que le pilote a dit que le trajet coûtait 1 000 SSP [83 dollars] et je n’ai pas cet argent. Les trois autres fois où je suis allée, je n’ai pas pu y aller parce que d’autres personnes y sont allées. Plus de 50 personnes tentent leur chance chaque fois. Les fois précédentes, on nous demandait 650 SSP [54 dollars]. Peut-être que le prix augmente parce qu’ils voient que les gens sont nombreux à vouloir partir. Cette fois, personne n’est monté à bord. L’avion est reparti sans passager parce que personne n’avait assez d’argent.
« Si je réussis [à partir], j’ai mes livres et mes vêtements. J’ai une carte d’identité de l’école primaire et un relevé de notes pour la septième année. Je veux aller à l’école. S’il y avait une école ici, je resterais. Je suis enfant unique. On nourrit beaucoup d’attentes envers moi : je dois m’instruire et soutenir ma mère. Elle s’attend à ce que je sois éduquée et que je réussisse au moins à améliorer ma situation. »
Par Jason Patinkin