La guerre a commencé quand des responsables haut placés du gouvernement ont commencé à se battre à Juba. Elle a atteint la région sous la forme de combats entre soldats, mais elle est ensuite devenue une occasion de faire des affaires : voler des vaches, enlever des femmes...

J’étais à Tuoch Riak. Avant la signature de l’accord de paix, ils ont passé quatre jours à Thonyoor [une ville située à proximité de Tuoch Riak]. Ils sont venus avec des chars d’assaut et des Land Cruisers.

Ils ont assiégé l’île. Ils cherchaient des filles et des vaches. Ils venaient le matin et repartaient le soir. On passait toute la journée à se cacher dans les roseaux. Ceux qui échappaient aux balles avaient de la chance. Ils pouvaient rentrer dormir à Tuoch Riak. Puis, le lendemain, on recommençait. Chaque matin, même lorsqu’il n’y avait pas d’avertissement, nous allions nous cacher dans l’eau. Il était même difficile de prier. Les gens avaient peur de prier parce qu’ils peuvent venir lorsque vous êtes tous réunis au même endroit.

Nous n’étions en sécurité nulle part. Les attaques n’ont pas seulement eu lieu à Thonyoor. Ils ont aussi attaqué Adok, Kuidok, Pilinj. Tuoch Riak était plus sécuritaire parce qu’elle est entourée d’eau et que les papyrus y sont denses.

De nombreuses personnes ont été tuées : mon ami Gatkuoth, un garçon appelé Chuol, un vieil homme qui se déplaçait avec moi... Un autre garçon de 19 ans a été amené à l’hôpital de MSF à Lankien par le CICR. J’étais là quand ils ont tiré sur lui. Ils l’ont vu et il a essayé de se sauver dans les papyrus. La balle qui l’a atteint dans le dos est ressortie du côté droit de sa cage thoracique. J’étais devant lui et je me suis caché. Il courait vers moi quand il a reçu la balle. Je l’ai vu.

Ils ont capturé de nombreuses filles et femmes. Certaines manquent encore à l’appel. Trois filles de mon oncle ont été enlevées. Elles ont passé deux jours avec eux et sont ensuite revenues. Ça, c’était la première fois. La deuxième fois, ils se sont emparés de la soeur de mon père et de la femme de mon oncle. Elles ont passé six jours avec les soldats. On les a utilisées pour transporter des marchandises à Leer. Ils ont battu ma grand-mère et lui ont brisé le bras droit. Ils ont volé 700 SSP [environ 55 dollars].

La paix est la seule solution. Tout cela peut s’arrêter si on fait la paix. Il semble que la paix commence à s’installer dans d’autres régions du pays, mais ça ne fonctionne pas ici. Les Nations Unies doivent venir à Leer pour mettre un terme à ce qui se passe. Elles doivent surveiller la région. Je crois que si la paix vient, justice sera faite. Si les gens qui ont perdu leurs proches, leur bétail, obtiennent une compensation et si ceux qui ont fait de mauvaises choses aux autres sont punis, alors il sera très facile de faire la paix.