J’ai été témoin de toutes sortes de choses. Ils se sont emparés du bétail, ils ont violé des femmes de tous les âges, surtout des filles, ils ont kidnappé des gens. Ils ont tué des gens, des hommes et des femmes. Ils ont battu des gens avec des bâtons ou à coups de pied.

À Gador, en juin, j’ai été témoin du meurtre de plusieurs personnes. Quand je suis sorti de ma cachette, j’ai vu des gens blessés et les corps de deux hommes qui avaient été abattus. Je suis aussi tombé sur une dame qui avait été violée. J’étais caché dans la rivière pendant le viol. Elle était allongée sur le sol et elle saignait. J’ai vu le sang. Elle ne pouvait même pas marcher. Les femmes l’ont lavée. Elle a survécu.

Je suis enseignant. L’une de mes élèves a été kidnappée en même temps qu’une voisine. La voisine est revenue un mois plus tard, mais mon élève est toujours là-bas. La voisine a dit que les hommes se répartissaient les jeunes filles pour qu’elles deviennent leurs épouses. Elle a dit qu’elle avait été violée dès sa capture et qu’elle avait ensuite été donnée à un autre homme. Elle a été violée par deux hommes. Lorsqu’elle est arrivée aux baraques, elle a été donnée à un autre homme. On l’a amenée à Jaggey.

L’élève dont je vous parle était en huitième année du primaire. Elle allait bientôt passer l’examen final du primaire. C’était une fille intelligente à qui j’avais commencé à enseigner en cinquième année. En septième année, elle avait été sélectionnée pour être la présidente des élèves. J’ignore si elle est en vie, si elle a un mari, un enfant ou si elle est enceinte. Elle a seulement 17 ans. Elle n’est pas censée être mariée, mais on les marie par la force. Nous essayons de réconforter ses parents, de leur dire au moins de ne pas trop s’inquiéter. C’est dur. 

Ils peuvent cibler des soldats si ça leur chante, mais pourquoi pourchasser des civils ? Les civils n’appartiennent à aucun camp. Je ne sais pas pourquoi ils ciblent des civils.

Depuis que l’accord de paix a été signé, nous espérons un retour au calme et à la stabilité, mais ce n’est pas ce que nous voyons ici. Je me suis réjoui quand le président a signé [l’accord de paix]. Nous avons besoin de la paix. J’ai personnellement besoin de la paix, et la communauté dans laquelle je vis a besoin de la paix. Je n’ai pas envie de me venger. Si je me venge un jour, j’infligerai aux autres la douleur que je ressens.

Nous lançons un appel à la communauté internationale : il n’y aura pas de fin au conflit tant que vous n’interviendrez pas. La paix a été signée, mais les gens continuent de mourir. Ce n’est qu’un mot sur un bout de papier. Nous avons besoin d’aide.